Linguistique et sémiotique

ATELIER ORGANISE par Michel Arrivé, Université de Paris Ouest Nanterre & Anne Hénault, Université de Paris-Sorbonne.

 Résumé

"La théorie du langage à son point de départ, s'était fondée dans l'immanence, se donnant pour seul but la constance, le système et la fonction interne ; apparemment, cela devait se faire aux dépens des fluctuations et des nuances, aux dépens de la vie et de la réalité concrète, physique et phénoménologique. Une limitation provisoire de notre champ visuel était le prix qu'il fallait payer pour arracher son secret au langage. Or, c'est grâce à ce point de vue immanent que le langage rend généreusement ce qu'il avait d'abord exigé. Le langage, pris dans un sens plus large que celui que lui accorde la linguistique contemporaine, a repris sa position-clef dans le domaine de la connaissance. Au lieu de faire échec à la transcendance, l'immanence lui a, au contraire, redonné une base nouvelle plus solide. L'immanence et la transcendance se rejoignent dans une unité supérieure fondée sur l'immanence. La théorie linguistique est conduite par nécessité interne à reconnaître non seulement le système linguistique dans son schéma et son usage, dans sa totalité comme dans ses détails, mais aussi l'homme et la société présents dans le langage et, à travers lui, à accéder au domaine du savoir humain dans son entier. La théorie du langage a ainsi atteint le but qu'elle s'était assigné : Humanitas et Universitas"

L.Hjelmslev, Prolégomènes, Paris, Minuit, 1972, p.160

Dans le prolongement de ces propos un peu désabusés et défensifs de L.Hjelmslev, L'atelier s'intéressera aux arguments qui pourraient espérer mettre fin à la guérilla endémique (aujourd'hui plus virulente et plus détestable qu'hier) qui ne cesse d'empoisonner le quotidien des relations entre linguistes et sémioticiens. Les images scientifiques projetées par chacun des deux camps issus du Saussurisme à l'encontre de l'autre camp, sont indignes du Maître qui leur sert de prétexte. Cet atelier vise à parler le langage de la sémiotique avec les linguistes et le langage de la linguistique avec les sémioticiens, afin de restituer toute leur ampleur aux vues fondatrices de F.de Saussure. Ce « bilinguisme » devrait contribuer à instaurer une paix et une coopération fécondes entre les deux camps.

  

Références bibliographiques

Arrivé, Michel A la recherche de Ferdinand de Sausssure , Paris, Puf, 2007

Arrivé , Michel et Sofia Estanislao, (dir.) Le Cours de linguistique générale, 100 ans après,         Montreal , RSSI volume 34, 1-2-3  2014

Greimas, A.J. « Actualité du saussurisme » in  La mode en 1830, Paris, PUF, 2000

Hénault, Anne,  Histoire de la sémiotique, Paris, Puf, 1997

Joseph  John E.   Saussure  , Oxford University Press, 2012

Pariente, Jean-Claude , Le langage et l’individuel, Paris A.COLIN, 1973

M.Serfati, La révolution symbolique – La constitution de l'écriture symbolique mathématique, Petra, Paris, 2005.

 

 

Programme prévisionnel

 

Jeudi 12 janvier

 

10h40- 11h30             Michel Arrivé

                                   Saussure, linguiste ou sémiologue ?

11h30-12h20              Lorenzo Cigana  et  Estanislao Sofia, Victor Perez, Carolina Martin Gallego

                                            GLOSES GLOSSÉMATIQUES : LA COPIE DU COURS ANNOTÉE PAR HJELMSLEV

 

13h40- 14h30             Dariuzs Adamski

 

Les rapports du signe et de la figure vocale chez Saussure et leur équivalent chez Tarski

            

14h30- 15h20             Robert Nicolaï

Danse des interprétants, rémanence de l’historicité… et NOUS

ou, ouverture vers quelques questionnements « hors champ »

 

15h40-16h30              P.A. Brandt

 

Saussure – pour une linguistique du mot

 

16h30- 17h 50            Tables rondes, débats.

 

Vendredi 13 janvier

 

9h-9h 30                     Anne Hénault

L’horizon sémiotique de la linguistique

 

9h30 -10h 20              Michel Arrivé, Anne Hénault

         Echanges avec John Joseph sur « Linguistique et sémiotique », selon Saussure

 

10h40-11h30             Tomas Hoskovek

         Le programme sémiologique du foyer pragois de structuralisme fonctionnel : l'expérience et l'avenir

 

11h30-12h20              Didier Samain

L’écologie behavioriste des signes au regard du paradigme saussurien

 

13h40-14h10              Oumellaz Sadoudi

La linguistique est une branche déterminée essentielle de la sémiologie

14h10- 14h40             Derniers débats, conclusions

 

 RESUMES DES COMMUNICATIONS

 

Dariusz Adamski

Les rapports du signe et de la figure vocale chez Saussure et leur équivalent chez Tarski

L’objectif de ce travail est de montrer comment la démarche d’un logicien éclaire rétrospectivement celle d’un linguiste, notamment celle de Saussure qui proposa le terme de figure vocale envisagée soit « comme figure vocale », soit « comme signe ». Ainsi remplaça-t-il le dualisme forme/sens par « la dualité du phénomène vocal COMME TEL et du phénomène vocal COMME SIGNE – du fait physique (objectif) et du fait physico-mental (subjectif) » (Science du langage, Droz, Genève 2011, pp. 102 et 87). Une telle opposition lui permit de dégager le fait proprement linguistique, à savoir le signe qui, d’après lui, suppose un lien indissoluble entre forme et sens. Qui plus est, il ne suggéra pas, sans l’exclure, de terme symétrique à la figure vocale, mais se rapportant au sens.

Quant à Tarski (1901-1983), dès les années 1930, il recourt à la distinction de la logique médiévale entre la supposition matérielle et formelle lorsque, en présentant sa définition de la vérité et le métalangage, il emploie deux fois la proposition « la neige est blanche » : dans le definiendum, elle est entendue comme n’étant qu’un objet physique (un nom construit de cette proposition mise entre guillemets) et, dans le definiens (sans guillemets), comme un signe. Toutefois, la conception de Tarski ne s’applique qu’aux langages formalisés où, par définition et de son aveu, le sens d’une unité est univoquement déterminé par sa forme. Le logicien peut donc, sans nier le sens, s’en passer dans son travail et établir les unités du langage formalisé uniquement en vertu de leur forme matérielle et comme des objets matériels. Ce qui n’est pas le cas du linguiste étant donné que, dans les langues naturelles, il n’y a pas d’univocité entre sens et forme. C’est pourquoi, afin d’établir les unités d’une langue, Saussure est obligé d’effectuer toute une opération – pour ainsi dire – de réduction aux différences et de placer la langue ainsi désubstantialisée dans la conscience ou l’esprit du sujet parlant. Ce qu’on montrera en examinant comment il définit l’accent (« Notes sur l’accentuation lituanienne » in Saussure, l’Herne, Paris 2003, p. 323-350) et le signe linguistique (« De la double essence du langage » in Science du langage, op. cit., p. 63-237).

Pour clore, il n’est pas inutile de rappeler que, pour Saussure, l’unité linguistique était incorporelle, alors que Tarski était un partisan du réisme, voire du pansomatisme, bien que sa terminologie semble porter les traces d’une théorie linguistique pour ce qui est de son emploi conséquent des termes de structure et de morphologie, correspondant à celui de son compatriote Baudouin de Courtenay. Il reste à ajouter que ce dernier offrit ses travaux à Saussure en 1881 : ils contiennent la distinction du son « en tant que son » et « en tant que constituant phonétique de la partie morphologique du mot ».

 

 

Saussure, linguiste ou sémiologue ?

Communication de Michel Arrivé

 

         Le problème des relations entre la linguistique et la sémiotique est entre tous hérissé de difficultés. Je souhaite l'éclairer – ou, sait-on jamais ? l'obscurcir un peu plus : c'est parfois la voie de la clarté – en examinant la façon dont il se pose chez Saussure.

         Une première remarque, nécessaire et évidente : Saussure, sauf erreur ou oubli, n'utilise jamais le terme sémiotique. Après avoir, un moment, utilisé le terme signologie, il s'en tient à sémiologie. Il l'utilise à la fois pour la science et pour l'objet qui lui est affecté : la langue est pour lui à la fois une sémiologie et l'objet de la sémiologie. On sait que le terme, qui a eu une histoire présaussurienne, survivra à Saussure, mais sera vite concurrencé par le terme sémiotique.

         C'est dans  un passage devenu illustre du CLG (p. 33 de l'édition standard), qu' il pose une définition de la sémiologie devenue familière à tous. L'une des implications immédiates de cette définition est que « les lois que découvrira la sémiologie seront applicables à la linguistique, et que celle-ci se trouvera rattachée à un domaine bien défini des sciences humaines ».

         La belle tranquillité qui se manifeste dans ce passage d'un ton fortement assuré est cependant loin d'être constante. Il n'est en effet pas difficile de la voir disparaître, et se muer en doutes, hésitations, parfois contradictions, tant dans le CLG que dans les autres travaux de Saussure. Voici, parmi d'autres possibles, deux témoignages de ces doutes et hésitations :

 

  1. La sémiologie telle qu'elle apparaît dans la définition qui en est donnée est donnée  comme recouvrant un domaine non seulement bien défini, mais encore très étendu – la linguistique n'est que l'un, parmi d'autres, de ces éléments – des « sciences humaines ». Il se trouve, bizarrement, que les exemples donnés par Saussure comme objets de la sémiologie sont peu nombreux : pas plus de cinq, il est vrai potentiellement augmentés par un etc redoublé. Mais, parmi ces 5 exemples, deux (l'écriture et l'alphabet des sourds-muets) ne sont rien d'autre, selon Saussure lui-même dans l'une des théories qu'il met an place à leur sujet, que des dérivés de la langue. Pour deux autres exemples – les rites symboliques et les formes de politesse – Saussure se pose, en un autre point du CLG (p. 100-101), le problème de leur appartenance à la sémiologie : c'est que ces « systèmes de signes » sont partiellement motivés. Ainsi le champ de la sémiologie se trouve-t-il, dans l'exemplification qui en est fournie par le CLG, considérablement réduit.
  2. Dans la recherche sur la légende germanique, Saussure cherche à mettre en place la sémiologie, en tout cas une sémiologie, en lui donnant comme objet un discours, légendaire ou littéraire, le problème est explicitement posé par lui. Dans cette recherche, la comparaison de la sémiologie avec la linguistique est extrêmement fréquent. On s'étonne d'autant plus de constater que dans le CLG et les autres travaux proprement linguistiques de Saussure cette comparaison n'apparaît en aucun point du discours. Asymétrie tout à fait stupéfiante.

 

         Comment s'expliquent ces deux particularités – ce ne sont pas les seules – du discours de Saussure ? C'est cette question qui sera posée dans la communication de Michel Arrivé. Elle portera principalement sur le problème de la nature du signe : le signe linguistique et le signe de la sémiologie ont-ils les mêmes propriétés ? Et sont-ils de ce fait propres à faire l'objet de disciplines utilisant les mêmes méthodes ?

 

Per Aage Brandt (Cognitive Science, Case Western Reserve University), Saussure – pour une linguistique du mot

 

La distinction saussurienne de la langue et de la parole repose sur l'idée d'un système de valeurs distinctes, qui définirait une langue ; et l'unité de référence est ici le mot. Or, le mot est ou bien le lexème radical d'une classe ouverte (verbe, substantif, adjectif), ou bien le morphème, relevant d'une classe fermée (pronoms, prépositions, marqueurs de cas, etc., à paradigmes fermés). Seulement ces derniers peuvent former des systèmes au sens de ce qui définirait une langue. L'identité ou plutôt la stabilité d'une langue est donc déterminée par un réseau morphologique, comme le remarquait le jeune Hjelmslev. Ce qui veut dire que la phonétique langagière n'est systémique que dans la mesure où elle est déterminée par les signifiants de morphèmes, ce qui est statistiquement probable. La syntaxe relèverait donc de la parole, comme pensait Brøndal, c'est-à-dire de la pensée phrastique, alors que le vocabulaire morpho-lexical détermine la grammaire des constructions, mais de manière ouverte, donc non systémique. La sémantique phrastique est cognitive, structurale au sens de Greimas, et comme les classes lexicales; la sémantique discursive est ensuite encyclopédique, rhizomatique, et rend donc compte des gammes connotatives des mots, comme l'avait vu Eco, et l'énonciation est finalement, bien que schématique, déterminée par les modes d'adresse inscrits dans les mots. Je donne un exemple d'analyse tiré des Nouvelles en trois lignes de Félix Fénéon, car cette perspective affecte la manière dont nous pouvons concevoir la relation entre texte et langage.

 

Proposants : Lorenzo Cigana, Estanislao Sofia, Victor Perez, Carolina Martin Gallego

GLOSES GLOSSÉMATIQUES : LA COPIE DU COURS ANNOTÉE PAR HJELMSLEV

L’influence de Saussure sur la pensée linguistique et sémiotique de Hjelmslev, on le sait, a été indéniablement forte. Bien que la conception algébrique du langage supportée par la glossématique remonte au fait plutôt au Mémoire, c’est bien au Cours que le linguiste danois reviens pendant toute sa vie scientifique pour situer sa proposition théorique dans le sillage d’une tradition constituée (et évidemment) a posteriori. La filiation théorique entre Saussure et Hjelmslev, ce qu’ailleurs nous avons appelé « contrepointe » [1], n’a pas en effet l’allure d’un simple prolongement mais plutôt d’une réélaboration originale à partir de prémisses propres. C’est pourquoi Hjelmslev tenait répéter que sa perspective n’était guère réductible, ni d’ailleurs superposable, à celle de Saussure, et qu’il l’avait maturée en pleine autonomie [2]. Et pourtant, cette attitude défensive, adoptée dirait-on pour mettre sa théorie à l’abri d’associations grossières entre modèles différents, ne semble pas vraiment justifiée à la lumière de l’assimilation critique dont Hjelmslev fait montre dans sa lecture approfondie de la deuxième édition du Cours. Nous avons la possibilité de présenter et discuter la copie du Cours possédée personnellement par Hjelmslev, y compris ses annotations au texte. Cela nous permettrait de recadrer, philologiquement comme théoriquement, la réception de Saussure par le linguiste danois du double point de vue de la linguistique et de la sémiotique structurales.

Bibliographie :

[1] Cigana, L. (2013) « Da Saussure a Hjelmslev e ritorno : note per un contrappunto », in Fabbri, Migliore (éds.), Saussure e i suoi segni, Roma, Aracne, pp. 139-160.

[2] Hjelmslev, L. (1971), « Introduction à la linguistique », in Essais linguistiques, Paris, Le Seuil.

[3] Toutain, A.-G. (2013) « Entre interprétation et réélaboration : Hjelmslev lecteur du Cours de linguistique générale », in Dossiers d’HEL, 3, pp. 1-13.

[4] Muraro, L. (1971-1972). « Hjelmslev lettore del corso di linguistica generale », in Cahiers

Ferdinand de Saussure, 27, pp. 43-53.

[5] Harris, R. (2003). Saussure and his Interpreters [Second edition]. Edinburgh , Edinburgh University Press. [Chapter « Hjlemslev’s Saussure », pp. 76-93]

[6] Hjelmslev, L. (2015), « La conception linguistique moderne », in Cahiers Ferdinand de Saussure, 68, pp. 223-248.

 

         

L’horizon sémiotique de la linguistique

 

A.Hénault, Paris Sorbonne.

 

Si on  met en regard avec les quelques phrases de l’édition standard du CLG ,  qui incluent le terme de « Sémiologie » ,  les considérables  développements de sémiotique qu’elles ont réussi à susciter, , partout dans le monde, au cours de ce  siècle, une double question se pose :

Peut-on, encore,  faire de la linguistique sans  sémiotique ? Peut-on  désormais faire de la sémiotique sans  linguistique ?

 

A.J.Greimas , un des chercheurs qui a le plus contribué à l’essor sémiotique des recherches sur langue et langages , se disait volontiers sémio-linguiste. Parce que, pour lui, comme pour Saussure, la réponse à ces  questions était claire : les deux disciplines étaient nécessairement  et définitivement liées.

Or, combien ne voyons-nous pas aujourd’hui, de bons linguistes rejeter tout  questionnement sémiotique ? Et combien voyons-nous de sémioticiens patentés oublier,  soit délibérément soit par ignorance, le travail du linguiste ?

 

Adoptant la démarche interrogative de Jeanne Delhomme, merveilleuse épistémologue trop oubliée aujourd’hui , je chercherai d’abord à préciser

 

A-comment FDS, lui-même,

a/ fut amené à poser cette relation

b/ comment il la comprenait

 

avant de tenter de  montrer

 

B-en quoi les premiers résultats de la sémiotique

a/ respectent ces vues et restent dans le périmètre qu’elles dessinent

b/ éventuellement respectent ces vues tout en les dépassant, i.e. en les prolongeant légitimement.

 

Pour le point A, j’en viendrai à résumer les fréquentes  mises au point  historiques et épistémologiques que John Joseph consacre à ce thème  de « Linguistique et sémiologie » tout au long de son Saussure  . Ce résumé sera le point de départ d’un débat général  en présence de l’auteur et avec lui.

Le point B sera l’occasion de  conversations et de débats avec

-en premier lieu la très rigoureuse exégèse saussurienne qui se construit tout au long des publications du Cercle Ferdinand de Saussure.

-en deuxième lieu, les diverses sémiotiques dont la complémentarité est de jour rn jour plus affirmée

- en troisième lieu, avec la linguistique « pure » qui tend souvent, encore, à se donner comme la seule héritière légitime du saussurisme.

 

Nous allons ainsi tenter de faire entendre et de communiquer ce qu‘à la suite de Hjelmslev nous développons en « Immanence » et qui nous paraît la raison d’être de la sémiotique, l’expression « raison d’être » devant ici être  entendue comme la rationalité, l’identité et la spécificité  de cette discipline encore très neuve, qu’est la sémiotique.

 

En complément de la bibliographie du texte d’appel à contributions,  on ajoutera :

 

Beguelin Marie-José, 1990a « Des formes observées aux formes sous-jacentes » in Présence de Saussure, Actes du Colloque international de Genève (21-23 mars 1988), R.Amacker et R.Engler, éds, Genève, Droz,21-37

Bitbol  Michel , 2010, De l’intérieur du monde, Pour une philosophie et une science

            des  relations, Paris, Flammarion

Chalmers David, 1996, The conscious mind : in search of a fondamental theory,

            Oxford, OUP.

Fehr Johannes,2000, Saussure entre linguistique et sémiologie, Paris, PUF

Greimas, A.J.G. , 1986    Sémantique structurale, Paris, PUF

Greimas, A.J.G .   1983, Du Sens II, Paris, Le Seuil.

Pottier Bernard , 1- 974 , Linguistique générale , Paris, Klincksieck

     -1980a « Comment dénommer les sèmes, » in  Métalangage, terminologies et jargons, n° dirigé par A.Hénault, du Bulletin du Groupe sémio-linguistique, , N° 13, mars 1980.

       - 1980b, « L’homme, le monde, le langage, les langues et le linguiste » in Les Universaux du langage,  n°dirigé par B. Pottier du Bulletin du Groupe sémio-linguistique, , N° 14, juin 1980.

Sériot, Patrick, 1999, Structure et totalité, Paris, PUF

 

 

 

Robert Nicolaï, Danse des interprétants, rémanence de l’historicité… et NOUS

ou, ouverture vers quelques questionnements « hors champ »

En regard des approches sémiotiques et sémiologiques bien connues, mon projet ici sera d’entre-ouvrir une perspective et d’ouvrir une discussion sur ce que j’appelle la dynamique sémiotique appréhendée en tant que procès de transformation continue du sens.

Cela ne saurait se faire sans introduire une réflexion – qui n’a rien de nouveau mais dont la permanence est symptomatique d’une difficulté de saisie – conduisant aux questionnements suivants :

-       En tant que nous sommes nécessairement les acteurs dans ce procès, qu’est-ce que nous y faisons exactement ?

-        Comment le constituons-nous ?

-        Comment nous constitue-t-il ?

Autrement dit, compte tenu de l’état de nos réflexions contemporaines (de Peirce et Saussure à Greimas, Eco, et tant d’autres), si l’on pense  plus ou moins savoir :

-       ce que représente exactement la notion / le concept de ‘signe’,

-       ce que nous en faisons d’un point de vue pratique dans le hic et nunc de notre communication ordinaire,

-       et ce que nous théorisons pour appréhender ce que le signe manifeste dans le procès au centre duquel nous nous trouvons,

il nous reste encore à « com-prendre » ce procès particulier pour percevoir où nous (en) sommes et dans quelle mesure nous intervenons et transformons – pour (faire) signifier – ce monde des signes qui n’existerait pas sans NOUS.

La considération de certains aspects des approches sémiotiques contemporaines (focalisations sur la structure et l’organisation systémique pour la fonctionnalité que nous leur reconnaissons, théorisations corrélatives, place et hiérarchie dans les « sciences », discussions générales sur les théorisations, etc.) sera naturellement en arrière-plan de la réflexion qui s’engage...

… toutefois, ce sera sur une problématique plus rarement abordée que je m’attarderai : celle de la transformation continue de ces signes qui signifient pour nous, avec nous  et par nous. Je retiens en effet que l’occultation de cette dynamique de transformation à une conséquence – parfois recherchée : celle de NOUS exclure de l’étude (et la « signification » ici attribuée à NOUS demande encore à être « travaillée » ; cf. Nicolaï 2017a).

Or, en raison de cette occultation, l’on perd sans doute l’une de nos clefs les plus intéressantes pour appréhender l’élaboration du sens et la compréhension de la mise en signification de ce qui NOUS concerne dans le monde des signes dont nous participons, en tant qu’acteurs, mais également en tant que signes.

Conséquemment, dans cette perspective, il s’agira de s’intéresser à la question posée par ce NOUS qu’il conviendrait de reconnaître, d’appréhender et d’intégrer plutôt que d’exclure, et à ce que cette prise en compte permet de dire, d’induire et de théoriser.

 De cette présentation – et du « pas de côté » qu’elle constitue – on attend donc d’avancer vers une problématique où, de la sémiose et des interprétants peirciens à l’envisagée sémiologie ouvrant vers l’« étude de ce qui se produit lorsque l’homme essaie de signifier sa pensée au moyen d’une convention nécessaire », l’historicité qui NOUS concerne en tant que facteur déterminant de la dynamique sémiotique trouvera sa fonctionnalité et sera une pièce d’un débat dans lequel NOUS et les signes nous articulons sur un même plan, à la façon d’un anneau de Moebius.

Quelques rapides références ( de « Grands Anciens… »)

Barthes, Roland, 1957, Mythologies. Paris, Le Seuil.

Greimas Algirdas. J., 1966, Sémantique structurale. Recherche de méthode. Paris, Larousse.

Greimas Algirdas. J., 1970, Du sens. Essais sémiotiques. Paris, Le Seuil.

Hjelmslev, Louis, 1968. Prolégomènes à une théorie du langage. Paris, Minuit.

Hjelmslev, Louis, 1968. La stratification du langage (1954), in Essais linguistiques. Paris, Minuit.

Morris Ch. 1946 : Signs Language and Behavior. New York, George Braziller Inc.

Peirce Charles S., 1978, Écrits sur le signe, rassemblés, traduits et commentés par G. Deledalle. Paris, Le Seuil.

Peirce Charles S., 1993, À la recherche d’une méthode. Traduction et édition sous la direction de Gérard Deledalle. Perpignan, Presses de l’Université de Perpignan.

Saussure, Ferdinand de, 1968, Cours de linguistique générale. Paris, Payot.

Saussure, Ferdinand de, 2000, Écrits de linguistique générale. Paris, NRF Gallimard.

Quelques compléments personnels

Nicolaï, Robert, 2011, La construction du sémiotique. Réflexion sur les dynamiques langagières et l’activisme des acteurs. Paris, L’Harmattan.

Nicolaï, Robert, 2016, Language Mixture, Contact and Semiotic Dynamics: Some Thoughts in Counterpoint to Schuchardt’s Approach. Journal of Language Contact 9.3 : 543-571.

https://www.academia.edu/19622310/Language_Mixture_Contact_and_Semiotic_Dynamics_Some_Thoughts_in_Counterpoint_to_Schuchardt_s_Approach

Nicolaï, Robert, 2016, Langues, dynamique sémiotique, pertinences : des devanciers et des contemporains Langage et Société 158 : 107-127.

https://www.academia.edu/9936527/Langues_dynamique_sémiotique_pertinences_des_devanciers_et_des_contemporains

Nicolaï, Robert, 2017a, (sous presse) Meanderings around the notion of 'contact' in reference to languages, their dynamics, and to 'WE'. Journal of Language Contact 10.3.

https://www.academia.edu/27897114/Meanderings_around_the_notion_of_contact_in_reference_to_languages_their_dynamics_and_to_WE

Nicolaï, Robert, 2017b, (sous presse) Fonctionnalisme et création de sens. La perspective de la dynamique sémiotique, Travaux du Cercle linguistique de Prague (nouvelle série).

https://www.academia.edu/25671945/Fonctionnalisme_et_création_de_sens._La_perspective_de_la_dynamique_sémiotique

 

Oumelaz SADOUDI

La linguistique est une branche déterminée essentielle de la sémiologie

Résumé :

Quelle doit-être la tâche du linguiste, selon Ferdinand de Saussure ? Après cent temps de la publication du cours de linguistique générale 1916, est-ce que les linguistes ont pu résoudre cette problématique soulignée par Saussure ? : « La tâche du linguiste est de définir ce qui fait de la langue un système spécial dans l’ensemble des faits sémiologiques » (Saussure, 1916 :23).

Cette interrogation est fondamentale, car sa résolution nous permet de discerner la relation entre linguistique et sémiologie, le signe linguistique (saussurien) et le signe sémiotique (peircien), la signification et le sens, la sémantique et la sémiotique.

Cette communication constitue une proposition de réponse à la problématique, ci-dessus, de Saussure et un espace pour rediscuter et résoudre les relations entre linguistique et sémiologie  et en même temps discerner les relations entre sémiotique et sémantique, signe linguistique et signe sémiotique ; signification et sens.

Mots-clés : CLG, linguiste, linguistique/sémiologie, sémantique/sémiotique, signe linguistique/signe sémiotique, signification/sens

 

Le signe linguistique (saussurien) / le signe sémiotique (peircien)

 

Je présenterai le signe comme une complémentarité entre le signe saussurien « est l’union indissociable entre un signifiant ʺimage acoustique ou présentation matérielle du signe (phonie ou graphie)ʺ et un signifié ʺle contenu ou le conceptʺ » et le signe peircien « quelque chose qui tient lieu pour quelqu’un de quelque chose sous quelque rapport ou à quelque titre » dont le signe saussurien est un signe sémiotique spécifique déterminé important et essentiel à tout autre signe sémiotique. Ou bien le signe linguistique est un composant déterminé essentiel à tout signe sémiotique.

 

Le signe linguistique est le minimum de potentialité de significations reconnues, stabilisées comme telles par une communauté linguistique, mais livre à un éventail de potentialités de significations relatives à des individus et à des situations individuelles, inattendues, qui ne sont pas vécues en groupe et/ou reconnues par toute une société…

 

Par exemple, le terme Belge  selon le signe saussurien [bɛlʒ] / « habitant ou citoyen de Belgique » contenu partagé par tous les locuteurs de la langue française ou francophone. Et le signe peircien nous permet d’expliquer comment le terme Belge active, pour certains locuteurs, dans certaines situations, exemples des blagues, des charges de significations relatives aux stéréotypes sur les Belges.

 

 

L’écologie behavioriste des signes au regard du paradigme saussurien.

Didier Samain

Longtemps niée ou tout simplement ignorée, la filiation entre Saussure et le courant néogrammairien est désormais documentée. Quant aux Junggrammatiker, ils puisaient eux-mêmes une partie de leur outillage dans la psychologie empirique, c’est-à-dire dans une théorie de l’esprit qui avait pour particularité d’être systémique et de ne pas faire appel à l’intériorité. Deux caractères encore perceptibles dans la théorie saussurienne du signe.

Cette approche n’est cependant pas isolée, car des conceptions voisines ont été développées par un courant de pensée indépendant du modèle saussurien ou structuraliste, qu’on peut  suivre, en grammaire, de Wegener à Bühler et, dans l’éthologie behavioriste, d’Uexküll à Tollman.

Loin d’être purement mécaniste comme le furent les thèses d’un Watson, cette sémiotique, fondée sur une distinction de principe entre monde comportemental et monde des stimulis, et sur ce qu'il faut bien qualifier d'écologie des signes, accorde non seulement une place centrale à la notion de trait différentiel, mais réintroduit sens et finalité au cœur même du behaviorisme.

Croisant par endroits la sémiotique d’inspiration saussurienne, elle s’en distingue toutefois par plusieurs particularités, tel le rôle central accordé au signal, ou encore le type de relation postulé entre l’élément et son environnement. Ce sont ces particularités qui feront l’objet de l’exposé.

 

 

Didier Samain

ESPE Paris

CNRS UMR 7597 « Histoire des Théories Linguistiques »

 

 

Michel ARRIVE et Anne HENAULT (organisateurs) et Dariusz ADAMSKI, Waldir BEIVIDAS, Jean-Yves BEZIAU, Lorenzo CIGANA, Tomàš HOSKOVEC, Robert NICOLAÏ, Didier SAMAIN et Estanislao SAMAIN
Ensemble de contributions de l'atelier
in 105 - Linguistique et sémiotique
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