La pragmatique et la paradigme saussurien : différence, convergence, complémentarité ou incompatibilité ?

Organisateur : Jacques Moeschler, Département de linguistique, Université de Genève

 

Atelier – Colloque CLG, janvier 2017, Université de Genève


Programme (mercredi 11 janvier 2017)

10h40-11h                  Jacques Moeschler, Université de Genève  
Introduction : code et inférence, fonction sociale et cognitive du langage

11h-11h20                  John E. Joseph, Université d’Edinbourg     
Saussure the Pragmatic Pragmatician

11h20-11h40              Giorgio Graffi, Université de Vérone          
Langue-parole, compétence-performance, pragmatique : les mots et les choses

11h40-12h                  Pierre Larrivée, Université de Caen et Tijana Asic, Universités de Belgrade et Kragujevac         
Saussure et la pragmatique : différentialité, maxime de manière et la pragmatique de la grammaire

12h-12h20                  Laurent Perrin, Université de Paris-Est Créteil       
Et si la linguistique saussurienne de la parole détenait la clé égarée de la valeur modalisante de ce qui est exprimé ?

12h20-13h40              Pause déjeuner

13h40-14h                  Lilian Magonya Achieng′, Maseno University, Kenya      
Cross–cultural variations of the HIV/AIDS IS DEATH pictorial metaphor as arbitrary conceptual signs

14h-14h20                  Jacques Moeschler, Université de Genève  
Les limites de la convention sémantique : une linguistique de la langue est-elle possible ?

14h20-15h20              Table ronde

 

Présentation de l’atelier

Dans un article ancien, Moeschler (1990) avait émis l’hypothèse que la pragmatique, contrairement aux affirmations, notamment, de la linguistique générative, ne relevait pas de la linguistique de la parole, ni de la performance : « Pragmatics is performance theory at the semantic level » (Katz,1977 : 15).

Par transitivité, si performance est associée à linguistique de la parole, alors la pragmatique devrait être ce champ d’étude du langage mis au second plan, tant par la linguistique saussurienne que par la linguistique chomskyenne. Or des études anciennes, notamment Ducrot (1973), cherchaient à montrer que l’étude de l’usage du langage pouvait se faire dans une version, quelque peu remaniée, d’une linguistique de la langue.

Dans la tradition défendue aujourd'hui en pragmatique (gricéenne), la question se pose de manière radicalement différente, principalement à cause des concepts de communication inférentielle et de signification non-naturelle (Grice, 1989, Sperber & Wilson, 1986). On peut en effet montrer facilement que la place de la pragmatique dans l’étude du langage dépend principalement de deux critères : la fonction sociale (ou communicative) vs la fonction cognitive du langage, et la nature codique vs inférentielle de la communication verbale. Quatre approches du langage sont ainsi possibles : codique et sociale, codique et cognitive, inférentielle et sociale, inférentielle et cognitive. Si la linguistique saussurienne appartient à la première catégorie (la langue est fondamentalement un code social), la pragmatique Gricéenne et post-Gricéenne est inférentielle et cognitive. Il semble donc qu'il y ait un écart incommensurable entre une orthodoxie saussurienne et une approche cognitive en pragmatique et que les deux paradigmes soient contraints à ne pas se parler.

Cet atelier a pour but principal de tenter de dénouer ce conflit. La langue (dans son acception saussurienne) est-elle condamnée à être définie comme un code social ? Si on revient aux principes de définition du signe, et notamment la relation entre signifiant et signifié, ces deux composants sont des entités psychiques, que l’on appellerait aujourd’hui cognitives ou mentales. De plus, dans une approche saussurienne rigoriste, on peut se demander quelles sont les limites de la conventionalité du signe, si l’on se réfère au concept de motivation que Saussure utilise pour se sortir de paradoxes liés à l’arbitraire du signe. D’un autre côté, la compréhension inférentielle des énoncés est-elle incompatible avec une approche conventionnelle de la langue ? Si la signification inférée est reconnue comme le résultat d’enrichissements pragmatiques, cela suppose néanmoins un degré minimum de convention linguistique.

Les questions suivantes organiseront la structure de l’atelier (7 communications de 20 minutes, suivies d’une table-ronde de 1h30) :

1.     Question théorique : la pragmatique peut-elle trouver sa place dans une vision néo-saussurienne du langage, au sens de Newmeyer (2005) ?

2.     Question historique : comment expliquer que le paradigme de la linguistique saussurienne et structurale (incluant le paradigme générativiste) ait mis la pragmatique de côté ?

3.     Quels sont les apports conceptuels, théoriques et empiriques que la pragmatique peut apporter à une linguistique de la langue ?

Résumé des communications

Saussure the Pragmatic Pragmatician

John E. Joseph, University of Edinburgh

Our topic ‘pragmatics and the Saussurean paradigm’ arguably flouts Grice’s maxims of relation (or relevance) and of manner. (Admittedly, Grice’s maxim of relevance itself flouts his maxim of quantity by being redundant to it, as does his maxim of manner in its sub-maxim ‘be brief’.) The maxim of manner expects us to avoid ambiguity, but ‘pragmatics’ covers so much ground that it is bound to be ambiguous, as is ‘the Saussurean paradigm’, if such a beast can even be said to exist. In spite of this, the question makes sense and is worth exploring, though Grice’s ghost need have no fear that we might come to anything approaching an answer.

The division of pragmatics concerned with speakers’ intentions might privilege the considerable evidence indicating that Saussure’s silences concerning aspects of language that matter centrally to us were not intended as dogmatic denials of their importance. Rather, these silences were his way of fulfilling Gricean maxims. As a philologist-grammarian, he considered himself unqualified to pronounce on aspects of languages and texts extending beyond the strictly linguistic; to do so would violate the maxim of quality. But where exactly does the ‘strictly linguistic’ end? There lies the great ambiguity, and his teaching to undergraduate students adhered to the maxim of relation: if the question we want to answer is how linguistic signs operate essentially, putting contingent factors aside, the relevant considerations are within the sign and the system of which it is a part, not what lies beyond them. Yet, to quote Derrida, il n’y a pas de hors texte. And yet again, as Grice showed, as speakers we mostly act as if there were, and when we do not, it is noticed.

If Saussure undertook his doctoral research assuming that locating and examining all the instances of the genitive absolute in Sanskrit would lead him to a precise identification of the construction’s meaning, particuarly in distinction to the locative absolute, he eventually realised that the search posed serious paradoxes. Whitney’s Sanskrit Grammar was dubious about what Pāṇini and his commentators had to say about the difference between the genitive and locative absolutes: “The construction is said by the Hindu grammarians to convey an implication of disregard or despite; and such is often to be recognized in it, though not prevailingly”. Earlier European commentators had similarly downplayed Pāṇini’s explanation, in favour of a view which Saussure believed to have originated with Adolf Stenzler. It held that the genitive absolute expressed unexpectedness or contrast, translatable as ‘however’ or ‘even though’. Both these views fall within the current conception of stance, which is properly a concern of pragmatics, even if those who have principally attended to it have been sociolinguists and linguistic anthropologists.

The ‘structuralist’ Saussure was able to report that the genitive absolute tended strongly to occur after a limited set of verbs denoting sensory perception. Beyond this, his main finding was that instances of the structure fall into two groups. “In Group A, the genitive absolute marks a situation within which the principal action unfolds, and it does not noticeably modify the idea. Group B is composed simply of all the other cases, in other words of rather disparate elements [with the] common feature [...] that the words in the genitive modify the principal action in a direct way, contrary to what takes place in the other group”. The aim of my talk is to lay out his findings in more detail, and to consider how they articulate with his later teaching and unpublished writings, in order to shed light on how we can assess “pragmatics and the Saussurean paradigm” in a way that aligns with Grice’s maxims of relevance and quality by drawing evidence from his own pragmatic practice.

Langue-parole, compétence-performance, pragmatique : les mots et les choses

Giorgio Graffi, Université de Vérone

La langue saussurienne et la compétence chomskienne ne sont pas synonymes ou presque : la première est une entité sociale ; la deuxième est une entité individuelle. Il y a quand-même un important noyau commun à la distinction entre langue et parole et à celle entre compétence et performance : toutes les deux opposent une entité abstraite sous-jacente à la multiplicité des phénomènes observables. Cette opposition pourrait même être décrite en termes de puissance/acte : cf. Saussure (1922, p. 36) et Chomsky (1965, p. 4). On peut donc se poser les questions suivantes : y-a-t-il une place pour la pragmatique dans un système abstrait comme celui de Saussure ou celui de Chomsky ? Et, comme les deux systèmes ne sont pas équivalents (l’un étant social, l’autre individuel), quel est (ou quel pourrait être) le rôle de la pragmatique dans l’un ou dans l’autre ?

On emploie le mot pragmatique pour désigner deux domaines différents : le premier (near-side pragmatics, dans la terminologie de Korta & Perry 2015) consiste dans l’analyse des éléments contextuels, le deuxième (far-side pragmatics) dans celle des intentions des locuteurs et de leur interprétation par l’auditeur. Near-side pragmatics ne s’oppose pas, en principe, ni à la notion de langue ni à celle de compétence : elle décrit le passage de la puissance à l’acte (ce n’est pas un hasard si Bally [1965, § 120] nomme « actualisation » la réalisation de la langue dans la parole). Pour ce qui concerne far-side pragmatics, Searle (1969, p. 17) attribue l’étude des speech acts à la langue ; mais sa notion de langue (et, encore plus, celle de Grice) n’est pas celle de Saussure. L’approche de Searle est « inférentielle et sociale » : elle est donc incompatible avec celle de Chomsky, qui conçoit la compétence comme un système individuel et qui a été très polémique à l’égard de la théorie de la signification (meaning) de Searle ou de Grice (cf. Chomsky 1975, ch. 2).

Néanmoins, Chomsky parle d’une « compétence pragmatique » dès les années 1970 (cf. Chomsky 1977, Introduction ; 1980 ; 2000, p. 26), dans laquelle il place aussi la logic of conversation de Grice (cf. Chomsky 1980, p. 225). Cette notion de compétence pragmatique n’a été jamais approfondie ni par Chomsky ni par les autres linguistes génératives (une exception intéressante est Kasher 1991). En tout cas, la pragmatique, pour être intégrée dans une théorie de la compétence dans le sens chomskien, doit être représentée comme système cognitif : l’approche de Sperber & Wilson (1986) semble donc offrir une chance pour cette intégration. Bien sûr, il y a beaucoup de problèmes à résoudre, comme, par exemple : quels sont les rapports entre la compétence syntaxique et la compétence pragmatique ? La compétence pragmatique est-elle spécifique du langage ou bien relève-t-elle de l’intelligence générale ? Et encore : la compétence pragmatique peut-elle expliquer tous les aspects de l’usage linguistique ou bien certains d’entre eux (à partir de l’intentionnalité) ne peuvent pas être l’objet d’unethéorie scientifique, comme semble soutenir Chomsky (2000, p. 132) ?

Saussure et la pragmatique : différentialité, maxime de manière et la pragmatique de la grammaire

Pierre Larrivée, Université de Caen

Tijana Asic, Universités de Belgrade et de Kragujevac

La question se pose de savoir si Saussure a influencé la pragmatique actuelle. L’influence du Cours de linguistique générale a évidemment été considérable. On songe à la démarche consistant à identifier des perspectives alternatives pour l’étude du langage et à ne retenir qu’une branche de cette alternative (langue vs parole) a été marquante, de même que certaines notions comme celle du signe. Il faut bien reconnaître cependant que Saussure a à peine parlé de sémantique qu’en termes très généraux, et qu’a fortiori, il n’a pas traité de pragmatique. A sa décharge, la pragmatique n’était pratiquement pas inventée à l’époque, dans le domaine francophone en tout cas.

C’est ainsi que fort peu de discussions pragmatiques se réfère au père de la linguistique moderne. Par contre, certains raisonnements appliqués explicitement par Saussure se retrouvent au cœur  de la pragmatique (post-)gricéenne actuelle. Vient à l’esprit la notion de différentialité. Pour Saussure, en tant qu’entité d’un système, les signifiés n’ont pas un contenu propre, mais une valeur, qui se définit par leur opposition, leur différentialité. Si la proposition est comme l’ont souligné beaucoup de chercheurs curieuse - des unités sans contenu mais dont le contenu délimite celui des autres - l’idée que l’existence de formes dans un domaine délimite le sens des autres est au cœur de maximes gricéennes comme celle de manière notamment. L’effort pour rationaliser les relations entre maximes consenti par la pragmatique néo-gricéeenne (Levinson 1983, Horn 1984, Carston 2005) n’élimine pas le raisonnement que le choix d’une forme peut donner lieu à des implicatures si une autre forme plus attendue aurait pu être utilisée. Dans cette présentation, nous évoquons deux phénomènes grammaticaux qui donnent lieu dans le plan diachronique et synchronique à de telles inférences.

D’une part, dans le plan synchronique, nous considérons la question des lectures locatives fonctionnelles et spatiales (et épisodiques) des prépositions en Serbe. Le fait que face à na (sur) indique une localisation conventionnelle (générant la lecture fonctionnelle/ télique) peut être compris par l’opposition avec la localisation épisodique que donne la préposition ou  (dans) (voir Asic et Corblin, 2014). On se trouve dans le même cas de figure que dans être en avion, qui suppose l’usage fonctionnel de l’avion pour voyager, et être dans l’avion, (désignant la relation purement spatiale). On pourrait objecter que cette opposition est déjà conventionnalisée, et que par conséquent elle n’illustre plus l’intervention d’un maxime de manière ; mais outre qu’une telle maxime a dû vraisemblablement intervenir à une époque ancienne, nos analyses du corpus du serbe parlé moderne montrent que les emplois créatifs dont on parlera dans ce travail, (à titre d’exemple l’opposition entre  biti u stanu ( « être dans appartement »,  être situé dans un appartement) et biti na stanu (« être sur appartement », habiter chez quelqu’un)) sont obtenus grâce à un processus pragmatique.

Nous abordons également l’exemple français de l’émergence des questions in situ. Inconnues en ancien français, ces questions partielles sont attestées dans des textes en vers au quinzième siècle, et émergent au début du dix-huitième siècle. Des travaux en cours montrent que cette nouvelle variable grammaticale a une valeur pragmatique catégorique pour les premiers stades de son développement, où le taux d’emploi est si faible que cette valeur ne peut être qu’inférée, par opposition à la forme établie de questions partielles ex situ. Ainsi, nous montrons comment, si Saussure n’était pas pragmaticien, un de ses raisonnements trouve sa place dans l’actuelle pragmatique.

Et si la linguistique saussurienne de la parole détenait la clé égarée de la valeur modalisante de ce qui est exprimé ?

Laurent Perrin, Université de Paris-Est Créteil, EA 3119-CEDITEC

Selon Saussure et ses héritiers structuralistes, les relations dont relèvent les éléments de tout système de signes doivent être saisies séparément d’abord sous un angle diachronique ou synchronique et ensuite, dans le second cas, sous un angle respectivement syntagmatique et paradigmatique. Certaines difficultés associées à la détermination linguistique de ces deux oppositions permettent de comprendre ce qui a conduit Saussure à envisager, par-delà sa linguistique du système de la langue, le projet sans cesse différé d’une linguistique de l’usage de la langue par l’exercice de la parole. Saussure n’est en effet parvenu à fonder sa linguistique de la langue qu’au prix d’abstractions aboutissant à essentialiser ce qui est synchronique et paradigmatique à l’intérieur du système ; les relations tant diachroniques que syntagmatiques n’ont quant à elles jamais trouvé leur place définitive entre langue et parole. Les premières en raison des changements progressifs que l’usage inflige au système, qui conduisent soit à y insérer des formes inégalement abouties au plan diachronique, toujours empreintes de ce qui a trait à la parole, soit inversement à reléguer à cette dernière des formes déjà plus ou moins intégrées au système. Et les secondes en raison du changement de nature des unités de découpage syntagmatique aux différents niveaux d’analyse, d’autant moins aisées à dissocier de la parole qu’elles sont attachées à des niveaux de rang supérieur.

La question que l’on se pose dès lors est la suivante. Si elle n’avait été ajournée, comment la linguistique saussurienne de la parole aurait-elle été articulée à celle de la langue en vue de surmonter ces difficultés – qui expliquent aussi que la linguistique chomskyenne ait pu faire si aisément table rase du structuralisme au profit d’une hypothèse cognitiviste instaurant la phrase en contrepartie formelle de la compétence linguistique ? La phrase est depuis lors érigée à la fois en projection maximale fondatrice de la grammaire générative des catégories qu’elle gouverne, et en plafond de verre infranchissable de la linguistique. C’est ainsi que la pragmatique inférentielle fait face aujourd’hui à la lourde tâche de rendre compte du discours à partir des seules règles de la raison apparentées aux principes de la communication. Et c’est ainsi que la linguistique s’est coupé les ponts du discours et de l’interprétation, faisant du même coup le lit de divers courants d’analyses textuelles, discursives, conversationnelles ou autres, condamnés à tracer seuls leurs chemins linguistiques aux marges d’une tradition somme toute récente vouée aux gémonies. La linguistique saussurienne de la parole aurait-elle permis d’éviter un tel éclatement des sciences du langage en assurant une meilleure articulation entre langue et discours, linguistique et pragmatique ?

L’objectif de cette intervention sera d’esquisser ce qui pourrait constituer le champ d’une linguistique de la parole articulée à celle de la langue d’une part, et à la pragmatique inférentielle d’autre part, permettant de concilier diverses hypothèses compatibles avec les approches antagonistes dont il est question dans le thème de cette table ronde. La question de la valeur que nous appellerons modalisante de ce qui exprimé, qui résiste encore et toujours à la visée conceptuelle généralement attachée au sens des expressions, sera à l’horizon de nos questionnements.

Cross–cultural variations of the HIV/AIDS IS DEATH pictorial metaphor as arbitrary conceptual signs

Lilian Magonya Achieng′, Maseno University, Kenya

For close to three decades now, HIV/AIDS undeniably remains one of the leading killer diseases in Sub–saharan Africa. As advanced in most literature by sociologists and epidemiologists, the pervasive mental imagery that cognitively represents a true African embodied experience with HIV /AIDS is death and its respective personifications such as HIV/AIDS IS A SNAKE, HIV/AIDS IS A WALKING CORPSE and HIV/AIDS IS GRIM REAPER (cf. Sabatier, 1987, Sontag, 1988,  De Waal, 2006 and Magonya, 2012). Further, in De Saussure′s perspective, signs in human language not only link a concept to image, but are actually psychological imprints of the mental image. From the foregoing, it can be said that in depth studies on cross–cultural variations of the HIV/AIDS IS DEATH pictorial metaphor are relatively few within cognitive linguistics. Furthermore, there is need to investigate how the mental images are psychologically and metaphorically linked to the embodied experience with the HIV/AIDS pandemic. In this regard, the two fold objectives of this paper are first and foremost to study the various cross domain mappings of the HIV/AIDS IS DEATH pictorial metaphors. Second, to investigate the cross–cultural variations of the HIV/AIDS IS DEATH pictorial metaphor. The conceptual framework guiding the study espouses arguments from Lakoff and Johnson (1980) and Lakoff and Turner (1989) on the conceptual metaphor theory (CMT), with specific focus on death metaphors outlined in More than cool reason. A field guide to poetic metaphor, Kövesces (2010) arguments on metaphor and variation and De Saussure′s thesis on the sign. The study will employ an analytic research design and data will be collected from purposively sampled websites such as Media Materials Clearing House website (http://www.m–mc.org/mmc.) and other relevant websites having posters on the HIV/AIDS IS DEATH pictorial metaphor. Using content analysis, the collected data from online sources will coded, arranged into themes and analysed qualitatively. The findings for this study will contribute to the scholarly debates in cognitive linguistics and behaviour change communication.

Les limites de la convention sémantique : une linguistique de la langue est-elle encore possible ?

Jacques Moeschler, Université de Genève

Les approches à la fois gricéennes, néo- et post-gricéennes en pragmatique interrogent de manière radicale la notion de convention. Chez Grice (1989), des significations conventionnelles peuvent être pragmatiques (implicature conventionnelle) et les implicatures conversationnelles généralisées sont liées à des formes linguistiques spécifiques, bien qu’annulables (elles sont par conséquent non-conventionnelles), de même que la signification non-naturelle n’est pas conventionnelle. Dans les approches néo-gricéennes, la tendance est de considérer les implicatures conversationnelles généralisées comme des inférences par défaut, ce qui entraîne une automaticité, i.e. un caractère obligatoire du déclenchement des implicatures, même si le locuteur peut les annuler sans contradiction (Levinson 2000, Horn 1984, 2004). Enfin, dans les approches post-gricéennes (Sperber & Wilson 1986, Wilson & Sperber 2012), la notion de convention est limitée à l’encodage linguistique des concepts (les concepts communiqués l’étant de manière ad hoc), lorsqu’elle n’est pas tout simplement remise en cause (Carston 2014).

La question de la conventionalité de la signification linguistique est donc une question cruciale, qui semble à la fois déterminer fortement le périmètre de la sémantique, mais aussi la pertinence de définir les langues naturelles comme des codes. Des travaux récents sur l’évolution du langage (Origgi & Sperber 2000, Scott-Phillips 2014, Reboul 2017) ont ou discuté de manière approfondie la notion de code – riche mais imparfait (Origgi & Sperber, Scott-Philipps) – ou remis en question la définition du langage comme système de communication au sens fort, impliquant une communication codique et les avantages que celle-ci aurait pu faire émerger pour l’espèce humaine, au profit d’une définition du langage comme système de communication au sens faible, impliquant à la fois code et inférence (Reboul 2017). La question de la conventionalité de la signification linguistique semble cependant dépendre du rapport que le langage entretient avec les concepts. Dans un cadre saussurien, un concept est la contrepartie sémantique de l’image acoustique du signe, ce schéma correspondant globalement à l’idée que la langue (la syntaxe étroite dans la tradition chomskienne) est un système d’interface entre suites de sons et suites de significations.

Si en termes d’externalisation des concepts, les modèles d’aujourd’hui semblent confirmer que les langues sont bien des codes, les choses ne sont pas aussi simples si l’on regarde la contrepartie mentale des langues naturelles, à savoir le langage de la pensée (Fodor 1975), dont les unités minimales seraient les concepts. En effet, on sait que la correspondance entre concepts et mots est loin d’être parfaite. Si tel est le cas – des concepts peuvent ne pas être lexicalisés, des mots peuvent ne correspondre à aucun concept –, la question des contours d’une linguistique de la langue se pose. La langue peut-elle encore être définie comme un code social ? Les approches cognitives du langage ne vont pas dans cette direction, mais ce qui doit dès lors être expliqué est la stabilité des concepts entre locuteurs d’une même langue, voire de langues différentes. Dans cette communication, nous discuterons des implications de la thèse de Reboul (2017) sur les concepts (les concepts sont innés, atomiques et définis par leur extension), la nature de la signification, ainsi que ses conséquences sur la nature du signe et du code linguistique.

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Jacques MOESCHLER
Introduction à l’atelier: La pragmatique et la paradigme saussurien: différence, convergence, complémentarité ou incompatibilité ?
in 106 - La pragmatique et le paradigme saussurien: différence, convergence, complémentarité ou incompatibilité
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Giorgio GRAFFI
Langue-parole, compétence-performance, pragmatique: les mots et les choses
in 106 - La pragmatique et le paradigme saussurien: différence, convergence, complémentarité ou incompatibilité
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Jacques MOESCHLER
Les limites de la convention sémantique. Une pragmatique de la langue est-elle possible ?
in 106 - La pragmatique et le paradigme saussurien: différence, convergence, complémentarité ou incompatibilité
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Laurent PERRIN
Petit plaidoyer en faveur d’une linguistique de la parole inspirée de Saussure (Une analyse linguistique et neurophysiologique de la phrase comme forme énonciative)
in 106 - La pragmatique et le paradigme saussurien: différence, convergence, complémentarité ou incompatibilité
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