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Claire FOREL

« Montrer […] quelle espèce d’objet est la langue en général » (FdS)

On sait que Saussure avait en tête un ouvrage destiné à montrer au linguiste ce qu'il fait, mais tout porte à croire que celui-ci aurait été différent des propos qu'il a tenus dans ses cours de linguistique générale. Pour ce qui les concerne, Saussure était habité par un véritable souci pédagogique. Dans un entretien à Gautier, il avouait se trouver placé devant un dilemme : « ou exposer le sujet dans tout sa complexité et avouer tous [ses] doutes, ce qui ne peut convenir pour un cours qui doit être matière à examen. Ou bien faire quelque chose de simplifié, mieux adapté à un auditoire d'étudiants qui ne sont pas des linguistes ». (v. Godel 1957:30) On retrouve cette préoccupation chez Bally et Sechehaye qui destinaient leur « travail d'assimilation et de reconstruction », le CLG, non seulement « au public savant » mais aussi « à tous les amis de la linguistique. » Quelque quatre-vingts ans plus tard, l'objectif didactique de la découverte de ce qu'est une langue se retrouve dans un ouvrage destiné aux enfants de 5 à 12 ans, qui vise à l'Education et Ouverture aux Langues à l'Ecole (EOLE). Il s'agit non seulement d'« élargir leurs connaissances à propos des langues » (vol I:15) mais aussi « d'appréhender le langage [...] afin d'en comprendre le fonctionnement » (vol.II:35). Cela ne va pas sans une formation des enseignants, le matériel proposé s'accompagnant d'un dispositif d'information qui leur permettra de bien saisir les enjeux sous-tendant les différentes activités proposées.

Il semble dès lors intéressant de tirer des parallèles entre ces tentatives de promouvoir une meilleure appréhension du phénomène langagier, tout en sachant qu'EOLE n'a pu que bénéficier de ce qui est dit dans le CLG. Mentionnons donc que parmi les sujets abordés figurent, par exemple, les emprunts linguistique, les correspondances sons-lettres, les familles de langues, l'arbitraire du signe, de la sémiologie non linguistique –qui font tous penser au contenu développé par Saussure ; il s'y ajoute les genres textuels, les fonctions du langage, les règles de politesse, pour n'en citer que quelques-uns.

La contribution se propose donc d'examiner quelques-unes des activités censées de nos jours développer chez les écoliers romands une meilleure perception du phénomène langagier pour éviter que « chacun laissé à lui-même se [fasse] une idée très éloignée de la vérité sur les phénomènes qui se produisent dans le langage », à l'instar du programme que Saussure présentait à ses étudiants lors de son premier cours du semestre d'automne 1910 (Constantin 2005:86).



Constantin, e. 2005, « Linguistique générale, Cours de M., le Professeur de Saussure, 1910-1911 », Cahiers Ferdinand de Saussure 58, pp. 83-239

De Pietro, J.F. et Gerber, B. 2015 (sous la direction de), « Les approches plurielles des langues et des cultures », Babylonia 02/2015

Forel, C. 2014, « Pour une approche plurielle de la grammaire », Babylonia 02/14, pp. 72-76

Godel, R. 1957, Les sources manuscrites du Cours de linguistique générale de F. de Saussure, Genève : Droz

Perregaux, Ch. et al. 2003, Education et Ouverture aux Langues à l'Ecole, vols I et II, Neuchâtel : CDIP

Saussure, F. de 1972, cours de linguistique générale, édition critique préparée par T. de Mauro, Paris : Payot

Waltermann, E. & Forel, C. 2015, "Why and How to Include Textbook Analysis in Language Teacher Education Programs", ELTED, vol. 18: autumn 2015