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Jean-Louis VAXELAIRE

Saussure en anglais : questions de terminologie et de réception

La place occupée par les traductions anglaises du CLG est essentielle dans l'histoire des idées saussuriennes en raison de la domination de l'anglais dans le monde scientifique. L'étude de Saussure en anglais est d'autant plus utile qu'il existe deux traductions officielles du CLG, réalisées dans des contextes académiques différents comme le note pertinemment Joseph (2011), ainsi que les traductions des notes de cours d'étudiants et diverses tentatives personnelles. Le fait qu'un même traducteur, Roy Harris, ait travaillé à la fois sur le CLG et les cahiers de Constantin est particulièrement intéressant puisqu'il explique dans sa préface qu'il a opéré des choix distincts en fonction du public (les étudiants pour le Cours, les chercheurs pour les notes de Constantin).

Je me concentrerai principalement sur les questions de terminologie puisque ce sont celles qui sont le plus discutées (Sanders, 2000 aborde toutefois la question stylistique), elles nous permettront d'ouvrir deux pistes de réflexion :

– Comme l'indique Wolf dans sa préface au premier cours, il existe toujours un flottement terminologique en anglais. Des choix différents pour signifiant et signifié ont ainsi été effectués par Baskin et Harris. Nous verrons aussi dans de nombreux ouvrages la tentation de conserver les termes français. La difficulté de traduire l'opposition langue et langage est également très intéressante. Suivant une tentation sapir-whorfienne, certains chercheurs semblent expliquer le peu de succès de cette opposition dans le monde anglophone par l'existence d'un seul terme là où le français en possède deux. Nous suivrons cependant l'avis de Sanders (2000) qui juge que ces explications vont à l'encontre de l'esprit du CLG.

– En se focalisant sur ces questions terminologiques, ne risque-t-on pas d'atomiser la pensée saussurienne ? Ainsi, on s'aperçoit que Saussure se retrouve parfois résumé par un unique terme (l'arbitraire du signe selon Fromkin et al., 2003, Saussure est « the sign guy » comme le révèle une anecdote de Rastier, 2009, etc.). Une bonne traduction doit donc principalement rendre la cohérence des propositions saussuriennes.

Nous tenterons en conclusion de cerner les raisons du rejet dont souffre parfois Saussure. Elles ne peuvent se limiter à des questions de traduction, la complexité de sa pensée, qui n'est peut-être pas toujours bien rendue par le format du Cours lui-même, sa volonté de s'éloigner du référentialisme mal acceptée dans le monde anglo-saxon (Gardiner lui en fait le reproche dès les années 1930), sont probablement des points plus importants.



Fromkin V. et al., (2003), An Introduction to Language, Boston, Thomson Heinle.

Gardiner A.H., (1932), The Theory of Speech and Language, Oxford, The Clarendon Press.

Joseph J., (2011), "Harris's Saussure - Harris as Saussure: The Translations of the Cours and the Third Course". Language Sciences 33, 524-530.

Rastier F., (2009), "Saussure et les textes". Texto 14 (3), 34 p.

Sanders C., (2000), "Saussure translated". Historiographia Linguistica 27 (2-3), 345-358.