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Karen ALVES DA SILVA

Réflexion sur le sujet parlant entre les anagrammes et le Cours de Linguistique Générale

Ce travail examine la notion de locuteur-auditeur que Ferdinand de Saussure emploie dans sa production sur les anagrammes parallèlement à l'idée de sujet parlant retrouvée dans les autres manuscrits de ce linguiste et dans le Cours de Linguistique Générale – CLG (1916). Entre 1906 et 1909, cet auteur s'est consacré à l'étude de la poésie classique, notamment latine et grecque. Pour ce qui est des anagrammes, la liaison de sa pensée à la littérature prend toute son importance du point de vue non pas de la construction d'une théorie littéraire, mais d'une « attention constante portée à l'objet littéraire » (Testenoire 2012: 61). Ses incursions dans des œuvres littéraires ont conduit Saussure à formuler l'hypothèse que, dans les poèmes, fonctionnerait un mécanisme de composition présumé, qu'il a appelé anagrammes, lequel se baserait sur une perspective strictement phonique : il existerait des mots-thèmes, généralement des noms de dieux ou de héros, dont le versificateur diluerait des fragments phoniques dans certains espaces textuels. Alors, quoique liés à la composition du texte écrit, les anagrammes constitueraient à la fois un support mnémonique et thématique pour le déclamateur et un phénomène oral pouvant être perçu par l'assistance. Si, dans les anagrammes, surgit donc un sujet-auditeur, lorsque nous revenons aux leçons de linguistique général de Saussure, nous y retrouvons le sujet parlant. Ce dernier est non seulement un récepteur du matériau linguistique, mais encore une figure qui, bien que soumise à l'ordre propre du système, est en rapport à la langue à partir de ses degrés de conscience et de son sentiment. Ce sujet parlant apparaît dans différents contextes, dans les textes saussuriens, mais il est notable que, quand il s'agit de perception acoustique, cette notion se mélange à celle d'oreille. Dans les manuscrits de Saussure et dans le CLG, l'idée de sujet parlant est étroitement liée à la discussion sur le concept de parole. Puisque les études sur les anagrammes ont été pratiquement concomitantes aux élaborations à l'origine du CLG, notre propos (Session 3 – 5) est également de penser la production saussurienne sur les anagrammes aussi bien comme une élaboration dans le champ de la poétique que comme un mouvement théorique concernant la langue et le langage. Ainsi, la relation de la pensée de Saussure à la littérature extrapolerait le champ de la théorie linguistique, mais pas au point de s'en détacher.



F. Saussure. « Lettres de Ferdinand de Saussure à Antoine Meillet, publiées par E. Benveniste », Cahiers Ferdinand de Saussure, XXI, Droz, 1963, p. 89-125.

J. Starobinski, Les mots sous les mots – les anagrammes de Ferdinand de Saussure, Lambert-Lucas, Limoges, 1971.

P.-Y. Testenoire. « Des anagrammes chez Homère ? De Saussure aux commentateurs anciens », Lalies 30, éditions rue d'Ulm, Paris, 2010, p. 215-231.

P.-Y. Testenoire. « Littérature orale et sémiologie saussurienne. Sandrine Bédouret-Larraburu et Gisèle Prignitz. En quoi Saussure peut-il nous aider à penser la littérature ? », 1, Presses de l'Université de Pau et des Pays de l'Adour, p. 61-77, 2012, collection Linguistique et littérature.

R. Engler, Cours de linguistique générale −Édition critique, Otto Harrasowitz, Wiesbaden, 1990 [1974].

R. Engler, Cours de linguistique générale − Édition critique, Otto Harrasowitz, Wiesbaden, 1989 [1968].



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