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Maddalena DI BENEDETTO

Saussure au miroir d'Italo Calvino

Le but de cette intervention est de montrer l'influence de la linguistique de Saussure dans l'oeuvre littéraire d'Italo Calvino.

Pendant son séjour à Paris, Italo Calvino entre en contact avec le milieu culturel. Il découvre les études de sémiologie qui enrichissent son travail d'écrivain.

Les études sur la science des signes, basées sur les théories de Saussure, représentent un élément essentiel tant pour sa conception du langage que pour la construction de ses romans. Egalement attentif à la réflexion de Lévy-Strauss, qui, comme Calvino le dit dans un essai, s'inspire aussi de Saussure, ces approches lui permettent d'ouvrir les limites du langage et d'explorer de nouveaux territoires.

La réflexion de Saussure sur la nature arbitraire du signe linguistique et le fait qu'il n'existe aucune raison pour qu'une parole donnée signifie une certaine chose, ouvre les portes d'une réflexion révolutionnaire dans l'univers littéraire de Calvino. Cette influence est visible dans Le Château des destins croisés et dans son nouveau jeu combinatoire.

La machine littéraire y est stimulée par le mécanisme du jeu des cartes que chaque narrateur dispose sur la table afin de raconter son histoire.

L'image de chaque carte contient un nombre infini d'histoires possibles ; elle constitue un fragment d'un univers combinatoire. L'oeuvre acquiert une forme toujours différente, selon le mouvement et la position déterminée par le fragment. Le narrateur se présente donc comme un alchimiste car il choisit et transforme le fil conducteur de la narration polyédrique. Calvino crée un texte métalittéraire qui intègre la réflexion sur les modalités de la composition artistique au jeu de la fiction. La variété des potentialités ouvertes par ce processus littéraire est rendue possible parce que chaque fragment est une partie d'un réseau doté d'une vaste polysémie, où chaque carte participe au tout en multipliant les possibilités de ses significations.

La langue est ici conçue comme un système de signes où la liaison entre signifiant et signe est arbitraire car la valeur du signe dépend du rapport qu'il crée avec les autres signes du système.Une autre correspondance explicite entre Calvino et Saussure se manifeste dans Les villes invisibles, en particulier dans la description de la ville de Moriana qui a été construite avec la similitude de la feuille en papier que Calvino a reprise dans le Cours de linguistique générale. La langue, comme la ville, est comparée à une feuille de papier dans laquelle la pensée est le recto et le son le verso : nous ne pouvons pas couper le recto sans couper le verso aussi.



Calvino I., Défis aux labyrinthes, Textes et lectures critiques, Edition du Seuil, 2003

Calvino I., Romanzi e racconti, Milano, Mondadori, 2003

Barenghi M., Italo Calvino. Le linee e i margini, Milano, Il Mulino, 2007

Barenghi M., Calvino, Milano, Il Mulino, 2009

De Saussure F., Cours de linguistique générale, Payot, 1995